Jan Kapr est un compositeur prolifique mais méconnu. Sa carrière a traversé le siècle dernier. Célébré dans son pays socialiste, sa liberté de ton le conduit à une douloureuse disgrâce. Kapr Code ressuscite l’œuvre comme le facétieux artiste.
Jan Kapr (1914-1988) est un artiste total. Issu d’une famille de musiciens, ses talents sont nombreux et Kapr embrasse le sport comme la musique ou le théâtre. Avec plus de 180 compositions à son actif, rien ne semble arrêter son appétit. En 1945, il adhère au Parti communiste et se consacre à l’édification du nouveau régime socialiste. En 1951, sa carrière est couronnée par le Prix Staline pour la musique du film Nouvelle Tchécoslovaquie. Pendant cette période, Kapr écrit plus de 60 chants de propagande, dont le flamboyant En terre soviétique…
Mais en 1953, Kapr se retire de la vie publique et développe un nouveau langage musical, fondé sur des combinatoires codées et aléatoires et du Sprechgesang, un récitatif entre parlé et chanté. Quand les troupes du Pacte de Varsovie envahissent en 1968 la Tchécoslovaquie, ses prises de position le réduisent au silence. Pendant la période dite de “normalisation”, il est exclu du Parti communiste. Ses œuvres sont interdites et il n’est plus autorisé à enseigner.
Nichées dans un bel appartement de Prague, les archives du compositeur sont restées comme de son vivant. Mais leur déménagement est prétexte à inventaire et à revisiter son passé. C’est ainsi que Lucia Králová entreprend un dialogue inédit entre l’œuvre et son artiste, grâce notamment aux heures de films qu’il nous a léguées. Avec la complicité du metteur en scène de théâtre Jiří Adámek, la compostrice Petra Šuško et le Chœur philharmonique de Brno, Králová “compose” le déroutant Kapr Kód. Cet opéra documentaire est un drôle de dialogue philharmonique et une correspondance tragi-comique entre passé et présent. Avec comme boussole cette pensée de Milan Kundera, que les choses les plus graves ne se montrent qu’avec “la circonstance atténuante de leur fugacité”.