Cycle
Appartient au cycle : La Cinémathèque du documentaire par la Bpi
Giovanni Cioni, De la planète des humains
du 03/12/2025
au 21/12/2025
PROGRAMME COMPLET À VENIR
De la planète des humains : cet intitulé est issu du film éponyme, dernier long métrage en date de Giovanni Cioni qui fera l’ouverture de cette rétrospective, Dal pianeta deli umani dans sa version originale. Il ne faut pas entendre cet intitulé comme la caractérisation d’un cinéaste qui regarderait l’espèce humaine à la façon d’un entomologiste, ou comme un extraterrestre depuis une lointaine galaxie à travers un télescope à très longue vue. Giovanni Cioni prend le monde et les êtres à bras-le-corps, dans un rapport charnel, haptique, depuis la planète où il se trouve et qu’il partage avec celles et ceux qu’il filme. Giovanni Cioni est ainsi tout le contraire d’un entomologiste, c’est même un terrien qui cultive et récolte les olives sur les pentes de monts toscans.
Pour encore jouer sur la polysémie de cette « planète des humains », chaque rencontre,
chaque individu est mis en scène comme un monde en soi, aussi bien d’un point de vue mental que physique, les visages et les corps produisent des paroles, émettent des gestes, ils constituent aussi des paysages. Il s’agit, entre autres, de Helga et Yann (Nous / Autres), des pensionnaires d’un centre de socialisation à Florence (Pour Ulysse), de Silvano Lippi (Depuis le retour), des détenus d’une prison de Pérouse (Non è sogno). Individus et collectif : le cinéma de Giovanni Cioni est un humanisme, dans le cadre duquel cette singularité des êtres-mondes ne peut être séparée du fait qu’il n’y a qu’une seule communauté humaine.
Le cinéma est pour Giovanni Cioni un outil perpétuel de déplacements, il appartient à une
famille informelle de cinéastes italiens pour qui les films partent du trivial pour aller vers le
mythologique. Et bien d’autres déplacements co-existent entre présent et mémoire, réalité et
merveilleux, documentaire et fiction, matériel et irrationnel, moderne et archaïque. Les membres de cette famille sont Alessandro Comodin (L’Été de Giacomo, Bientôt les jours heureux), Michelangelo Frammartino (Il dono, Le quattro volte, Il buco), Pietro Marcello (La
bocca del lupo, Bella e perduta), Alice Rohrwacher (Les Merveilles, Heureux comme Lazarro, La Chimère).
Nourri de littérature (Dino Campana, Calderón de la Barca), de philosophie (Giorgio Agamben), le cinéma de Giovanni Cioni est aimanté par les marges, sociales et géographiques, représentant, en cela et pour tout ce qui vient d’être énoncé, un essaimage pasolinien dont nous avions rendu compte au printemps 2021 avec la programmation Pasolini, pasoliniennes, pasoliniens. Dans un entretien que Giovanni Cioni a donné à cette occasion au magazine Balises, il exprimait ce lien à l’auteur de La rabbia : « Je ne me suis jamais dit que je m’inspirais de Pasolini, mais je l’ai toujours retrouvé dans ce que j’ai fait. Quand j’ai ouvert un laboratoire de cinéma en Italie, je l’ai appelé Uccellacci, d’après Uccellacci Uccellini (Les Oiseaux, petits et grands, 1966) de Pasolini. Je pense que cela a à voir avec l’idée de la fable et du réel, du véritable dans la fiction que j’essaie d’explorer dans mes films, mais aussi avec l’amour des gens et des lieux. »
Cet art du déplacement fait que son cinéma n’est en rien fixé à une forme unique, il s’agit d’une recherche perpétuelle, d’un laboratoire – terme qu’il affectionne. L’introspection à la première personne se mêle ainsi à la recherche plastique, l’essai méditatif à la poésie comme au témoignage ; il s’ouvre aussi aux archives pour interroger la persistance des fantômes de l’Histoire, le déracinement et l’exil. C’est évidemment un cinéma très personnel, avec des résonances autobiographiques prégnantes : « Je suis moi-même fils d’identités multiples et de leurs résonances. Pour moi, c’est une question vitale de mettre en doute les narrations, de mettre en avant la complexité du réel, et ce que l’on retrouve dans l’autre, même ce qu’on y refuse. Je ne choisis pas les personnes avec lesquelles je fais des films : je les ai rencontrées et j’ai décidé de faire des films avec elles. »
Le montage et la narration fonctionnent chez Giovanni Cioni par fragments, ellipses, trouées, associations et dissonances, laissant ainsi toute la place à la rêverie, à la méditation. Si les films ne sont pas classiquement documentaires, ils partent néanmoins de ses fondements : la réalité comme matière, la rencontre, le partage et l’écoute, l’accueil de la parole et des récits, mais aussi des silences, gestes et regards des protagonistes.
Cette démarche rend possible le surgissement des vérités enfouies, le jaillissement d’un invisible que le cinéma a le pouvoir de révéler.
Arnaud Hée
programmateur du cycle
Publié le 02/07/2025
Projection et rencontre
03/12/2025 à 19:30
Forum des images
Cinéma
En présence de Giovanni Cioni, en dialogue avec François Ekchajzer (journaliste et critique pour Télérama). Cette ouverture est aussi l’épilogue...