En dépit de la grande cohérence formelle et thématique de l’œuvre, Sergueï Loznitsa échappe largement aux catégorisations, aux classements par sa façon de combiner les gestes de cinéma d’un film à l’autre. Il le fait en « héritier critique » de l’école russe et soviétique à laquelle il fut formé au sein l’Institut national de la cinématographie S. A. Guerassimov (VGIK).
À ses débuts, on a pu, à juste titre, en faire le représentant d’un documentaire de poésie immergé dans une Russie proverbiale et intemporelle. Mais il réalise à la même période des films marqués, avec un sens de la dérision certain, par l’influence des symphonies industrielles soviétiques. En 2005, il inaugure un pan essentiel de son œuvre documentaire : le travail à partir d’archives. Il réalise en 2010 sa première fiction, My Joy, qui intègre directement la principale compétition du festival de Cannes; les trois suivantes ont également été conviées à la prestigieuse manifestation.
Archives, symphonies industrielles, campagnes archaïques… Loznitsa serait-il ainsi un cinéaste tourné vers le passé, voire passéiste ? Réalisé en 2014, le brûlant Maïdan, qui investit le présent et l’événement en train d’advenir, occupant, en compagnie de la foule de manifestants, l’emblématique place de Kiev, prouve qu’il n’en est rien. Si le passé et l’Histoire intéressent tant Loznitsa, c’est parce qu’ils constituent pour lui la clef du présent.